Saleté
Au fil des photos qui me tombent sous les yeux, publiées dans les journaux et magazines, des images de documentaires ou de reportages télé, il m’arrive de me sentir traversée par une inquiétude : notre terre ne serait-elle pas en train de devenir une vaste décharge ? Publiée dans le journal La Croix il y a plusieurs mois déjà, une photo me hante. Elle montrait une famille chinoise en train de pique-niquer, sous un autopont, au bord d’une rivière de son vaste pays. Assis dans des pliants, les adultes contemplaient la rive, les enfants jouaient. Illustration d’un moment de détente bien mérité, de type fin de semaine en famille, la photo accompagnait un article sur l’évolution de la société chinoise et l’accession à un toujours plus grand nombre aux loisirs. Mais quelque chose clochait : le sol alentours était jonché de détritus. J’y repensais en lisant l’autre jour que l’île de Lampedusa était devenu une poubelle à ciel ouvert, conséquence, non pas d’un afflux de population, mais d’un croisement entre une logistique insuffisante et un manque de civilité, pour ne pas dire de « j’menfoutisme » de beaucoup. Me revient en mémoire la conversation avec le membre d’une ONG de retour de mission dans une île du Pacifique : il revenait consterné du désolant spectacle de plages souillées, de sous-bois encombrés de déchets, de bords de route parsemés d’emballages, de sacs en plastique voltigeant sans relâche au gré de tous les vents. « Les plages privées des hôtels sont nettoyées tous les jours. Mais pour le reste… ». Le nez collé à la vitre du car, je considère, tristement pensive, la poubelle à ciel ouvert qu’est devenu – au moins ce jour-là…- le bord de route qui mène de Marseille à Cassis. Quand allons-nous enfin nous décider à « habiter la terre » ?
Marie-Christine Bernard
avril 2011