Un monde qui s’en va
Un monde qui s’en va
La communauté religieuse qui m’accueille à l’occasion d’un de mes passages dans la région, ne m’ouvre pas seulement la porte de sa vaste maison : elle m’ouvre son livre d’histoire, depuis la fondation jusqu’à aujourd’hui, son livre de prière, pour l’office du soir, son livre communautaire aussi, pour le temps d’un dîner partagé. Derrière tout cela, deux siècles ont forgé, formé, construit, enseigné, accompagné, donné, prié, essaimé , instaurant un réseau diffuseur de christianisme, comme un parfum alentours. Pas à pas, traversant les périodes troubles comme les crises internes, les hauts, les bas, toujours dans le courage, l’abnégation, la confiance mise, remise sans cesse, en la Providence, les sœurs, cahin-caha, ont semé ce qu’elles avaient de meilleur : leur foi. Aujourd’hui, la maison, cette grande maison implantée au cœur du village, transformée plusieurs fois selon les besoins de la mission – école, internat, maison familiale, centre de vacances – n’abrite plus qu’une poignée de sœurs âgées, très âgées. Les fissures dans les murs, dans les plafonds, disent en silence que cela ne vaut pas la peine de réparer. Du reste, de la peine, on n’a plus les moyens d’en avoir pour cela : ni côté finance, ni côté projet, ni surtout côté transmission. Car la relève n’est pas au rendez-vous. Les jeunes religieuses il n’y en a pas, ou si peu… Bientôt, me disent-elles, lorsque la dernière d’entre nous encore capable de conduire une auto ne pourra plus le faire, elles rejoindront une maison de retraite, ailleurs. La bâtisse sera vendue. Retapée, elle aura certes fière allure. Mais dans ce village, dans ce canton, la foi chrétienne partira-t-elle avec cette communauté ?
Marie-Christine Bernard
14 Juin 2010