Trop rire n’est pas drôle
La question est moins « Peut-on rire de tout ? » On connait la réponse, qui vaut ce qu’elle vaut : « Oui, mais pas avec n’importe qui ».
La question serait plutôt : « Est-on obligé de toujours rire de tout ? »
Lorsque caricatures, sketches, chroniques « décalées », imitations et autres clowneries, font preuve d’un minimum d’intelligence, « d’esprit », passe encore. Mais le robinet médiatique nous déverse tant de misère comique qu’on en reste pantois. Et comme la concurrence est rude, le niveau baisse… parce qu’il s’agit de racoler un maximum de public. Donc, massification oblige, on nivelle par le bas. Et quand je dis le bas…
C’est souvent vulgaire, c’est surtout commun. Les mêmes thèmes reviennent selon des angles attendus, archi-usés. Ainsi, sauf exceptions, on aura : haro sur les institutions, sur le pays, sur l’Europe ; honte aux femmes souvent, parfois aux mecs mais rarement avec autant de vulgarité ; dénigrement systématique des personnes engagées en politique ; railleries sur les compatriotes. Seules les religions semblent soigneusement épargnées (sauf l’église, désolée de le constater). Il faut dire que quand certaines ne le sont pas, épargnées, …ça ne fait plus rire personne.
Aucune société ne peut se passer de la fonction de « bouffon du roi », c’est vrai. Mais c’est une fonction justement : on fait rire mais à juste titre, entre deux distractions. Autre chose est de vouloir faire rire à tout prix, rendre le rire-de-tout obligatoire, impératif. Dictature du rire ?
Car trop de rire tue. Tue le débat, tue le nécessaire sérieux à mettre dans la recherche de solutions. Tue symboliquement aussi lorsque des personnalités sont réduites à des caricatures et traînées dans la boue de la raillerie quotidienne à bas prix. Mdr ? pas de quoi, vraiment.
Novembre 2012
Marie-Christine Bernard