Courage quotidien
Dans toutes les villes de France, tôt le matin, avant même le jour, des milliers de personnes se rendent à leur travail, où en reviennent. Mêlée à la foulée régulière de leurs pas dans les couloirs de métro, à leur attente patiente sous les abribus, à leur détermination matinale sur les trottoirs encombrés, j’entends leur silence. J’entends leur courage. Après 7h30, déjà, l’ambiance n’est plus la même : davantage de bavardages, de journaux froissés. Mais avant, c’est encore du sommeil que les gens portent sur les épaules, sur leurs visages, leurs yeux. Certains semblent se rendormir durant le trajet. Combien de fois me suis-je étonnée de la mauvaise mine de beaucoup ? Inutile d’être grand clerc pour constater que la plupart accuse une réelle fatigue, une accumulation de sommeil en retard, des désordres alimentaires perceptibles, une sorte de lassitude d’où il est si rare de croiser un sourire. Les visages sont fermés. Les trajets efficaces. Le pas cadencé. Les réflexes automatiques. Les enfants que l’on mène à la crèche tambour battant poursuivent leurs rêves comme ils le peuvent en écrasant au fond de leurs poussettes. Dureté. Dureté de la vie que l’on mène. Dureté du prix à payer pour vivre dans une société d’abondance que beaucoup sur la planète nous envie, sans en connaître le revers, et qui pourtant s’organise si mal. C’est pourquoi je réserve mon coup de cœur doublé d’un coup de chapeau du moment à ces milliers d’hommes et de femmes, pour leur courage quotidien, modeste, constant : il est la première richesse de notre pays.
Marie-Christine Bernard
3 avril 2010