Rencontre
Ils sont une bonne centaine assis, avachis pour la plupart, dans les moelleux fauteuils de la salle dite « de spectacle » de cet établissement catholique. Ils ont 18-20 ans, ils sont en BTS pour les métiers de l’entreprise. Ce matin, 8h30, ils commencent une journée un peu spéciale : les cours ont été suspendus, pour offrir à la place un temps de réflexion sur des sujets transversaux jugés importants par l’équipe éducative. Je suis donc là en qualité de coach de dirigeants, connaissant de l’intérieur le monde de l’entreprise, et vivant ma vie et mes différentes activités, dans une option résolument chrétienne. « C’est important qu’ils entendent que la vie a du sens, que le monde du travail peut être intéressant, et, si vous pouvez aborder le sujet, que la foi chrétienne n’est pas ringarde ». Le cahier des charges est donc posé. Et me voilà devant ces jeunes aux bouilles pleines de cheveux ( la mode est à la tignasse tombante sur les yeux), dont certains commencent à installer leurs sweats en oreillers, pendant que d’autres consultent avec frénésie leurs écrans multiples. Papotage, quelques retardataires pantalons taille basse de rigueur, regards interrogateurs en ma direction. Je les regarde avec tendresse. Cette génération fera tourner notre société dans un très proche avenir. Les apparences, je le sais, sont trompeuses. Sous leur airs détachés, le zapping élevé au rang d’art de vivre, leur aisance à se couler dans la suite des jour avec fluidité et une lucidité ludique, ils ont au cœur les questions qui font de l’humain un être à part, les questions « existentielles ». Il n’a pas été difficile de capter leur attention, d’achever de les réveiller et de les trouver tout frétillants de questions graves : pour quoi travailler ? comment sait-on qu’on ne s’est pas trompé d’orientation ? comment faire quand on n’aime pas ce qu’on fait ? comment trouver sa place dans la société ? dans l’entreprise ? c’est quoi, être adulte ? On a partagé : j’ai apporté mon expérience, mes chemins de réponse, les questions qui me restent, ma joie de vivre ; eux leur expérience, si différente, leur disponibilité, leur regard sur cet avenir qui les attire et les effraie parfois. On était des personnes ensemble. Ils auraient aimé poursuivre, m’ont-ils confié. Moi aussi !
Marie-Christine Bernard
juin 2009