Non-docte ignorance…
L’homme n’a pas trente ans et se dit agnostique. Il se targue d’étudier les religions. Dans le cadre d’une table ronde, il m’entend en appeler à la conscience morale de chaque sujet : cette conscience oblige chacun de nous, de l’intérieur, à choisir ce à quoi on veut adhérer, croire, défendre. Et cela implique pour tout croyant un nécessaire devoir d’inventaire à l’intérieur sa propre tradition religieuse. Rappel basique… Mais voilà que le chercheur en herbe s’insurge. « On ne doit pas choisir ce qui nous plaît et rejeter ce qui ne nous convient pas. Sinon, il n’y a plus de repère !» Ben voyons… A-t-il seulement entendu parler de la conscience morale, de la liberté, du for interne ? Non. Son approche est sociologique au sens étroit : un musulman, un chrétien, un bouddhiste, pour lui, ce sont des affiliés à des partis dont la discipline d’adhésion implique une totale soumission aux dogmes respectifs. Ce ne serait pas grave s’il savait qu’il ne sait pas. Mais d’emblée, il se situe en « sachant », et même en sachant mieux que les croyants expérimentés ce qu’être croyant veut dire, lui qui ne l’est pas. Pourtant, qu’il ne le soit pas pourrait être une chance : non impliqué personnellement, le recul pourrait lui permettre un gain d’objectivité. Mais cela supposerait un rapport au savoir en général, et une connaissance anthropologique en particulier suffisamment fondés. Ce n’est pas le cas. En voilà encore un qui va nous imposer les mythes habituels en guise de poncifs en prétendant parler de LA « communauté » catholique, ou de LA communauté « musulmane », etc. Bavardage et pédanterie garantis…Et voilà comment le communautarisme prospère dans les têtes (au moins) et crispe la vie sociale.
Marie-Christine Bernard – Hiver 2022-1