Il pleut du chagrin
Le monde sans sa maman est inconnu.
Tant qu’on n’est pas orpheline, il n’existe pas.
On peut être cette adulte que je suis, indépendante, à l’heureux vol singulier, partie depuis si longtemps du nid familial.
Ça ne change rien.
Le monde sans sa maman est un monde inédit, absolument nouveau.
L’expérience est subite et radicale. Aucune chance qu’elle soit progressive. Un instant de bascule et ….il y a le monde d’avant, et le monde d’après.
La langue que l’on parlait seulement avec elle, qu’elle seule pouvait comprendre, la langue maternelle, on ne la parlera plus jamais.
Elle m’avait mise au monde.
Sa solidarité bienveillante sans faille à mon égard m’a tenue dans le monde.
Cette fois, elle me laisse au milieu du monde.
Et ce monde est douloureux soudain, douloureux d’un vide nouveau, d’un froid, d’une désolation, puisque nulle part désormais je ne pourrai l’enserrer dans mes bras.
Cette tendresse qui n’était que pour elle me reste sur le cœur, et il pleut du chagrin tout partout.
Marie-Christine Bernard
Avril 2019