« Sur le concept du visage du fils de Dieu » de R.Castellucci
Article paru dans Le Maine Libre du 12 avril 2018
A propos du spectacle de R.Castellucci
Réaction d’une théologienne.
Hier soir, j’ai assisté au spectacle donné au Mans : Sur le concept du visage du fils de Dieu, de Romeo Castellucci.
J’en suis sortie bouleversée devant une telle qualité d’approche, une telle profondeur spirituelle. C’est d’une justesse et d’une finesse théologiques qui m’a sidérée.
Le point de vue proposé éclaire le sens de la passion du Christ dans le contexte de nos douleurs contemporaines. En l’occurrence est mise en scène la dure réalité du vieillissement de ceux qu’on aime, ici celle d’un père dont le fils prend soin très concrètement, comme il peut, comme l’amour le peut, confronté à l’impuissance cruelle devant l’inéluctable déchéance.
S’impose d’emblée le parallèle avec la trajectoire humaine de Dieu, représenté par le visage – magnifique d’humanité – de Jésus, en fond de scène. La dernière image renvoie les spectateurs, chacun de nous, à la nécessité de se décider en conscience sur l’identité de Jésus, celui qui semble prendre sur lui la douleur du monde, la nôtre. Peut-il, comme il semble le faire en subissant sa passion, me conduire au-delà de la souffrance morale et physique, au-delà de la violence, au-delà de la mort ? Ou pas ? Est-il ou non mon berger ? C’est à chacun de se déterminer.
Les références aux évangiles sont implicites mais nombreuses.
Exprimer dans la langue culturelle occidentale du 21ème siècle l’interrogation, qui nous accompagne depuis 2000 ans, laissée par l’irruption de cet homme nommé Jésus et que certains qualifient de Christ, est remarquable. La démarche mérite vraiment d’être saluée.
Cette « performance » a donné lieu à de multiples scènes de manifestations hostiles de la part de milieux intégristes qui se disent catholiques. Une toute petite poignée d’agités armés de banderoles, de drapeaux, de fumigènes, s’étaient en effet posté devant l’entrée du théâtre hier, accompagnés par un homme en soutane et surplis en dentelle blanc. Ils n’avaient rien à dire, aucun argument à faire valoir, sinon une prétention à détenir LA vérité qu’ils opposaient à une démarche qu’ils jugeaient blasphématoire contre le christianisme. La sincérité de leur engagement ne peut en aucun cas excuser leur misère intellectuelle (St-Thomas doit se retourner dans sa tombe !) et spirituelle dont l’ampleur est telle qu’ils n’en ont même pas conscience.
En refusant de méditer sur le sens, pour nous aujourd’hui, de la passion du Christ qu’ils prétendent défendre, les intégristes et assimilés ne font qu’ajouter une violence supplémentaire à son encontre. Ils ne savent pas ce qu’ils font. Ce n’est hélas pas nouveau.
Marie-Christine BERNARD, Théologienne chrétienne