Violence
Vingt-trois suicides, plus une tentative connue, depuis janvier 2008, dans une même entreprise ! Et il se trouve encore quelque personnalité pour invoquer la fragilité des personnes comme principale cause de cette hécatombe. Dans quel monde sommes-nous ? L’être humain est une force fragile, une puissance de vie étonnante, un potentiel de créativité indéniable, mais qu’un souffle peut cependant éteindre. Il est équilibre toujours précaire : c’est sa grandeur et sa fragilité. Qu’un environnement – naturel, ou affectif, ou de travail – déchire la possibilité même d’un équilibre, et l’humain bascule, s’effondre. Ce qui pousse une personne à mettre fin à ses jours est le résultat de plusieurs facteurs, certes. Mais lorsque l’on est en présence d’une telle proportion dans un même environnement de travail, il faudrait être d’une mauvaise foi proche du cynisme pour penser que le style de management n’y est pour rien. Depuis la fin des années 80, l’humanisme, comme culture commune, regard porté sur le réel, projection sur le souhaitable, horizon de nos effort, l’humanisme donc, cette philosophie qui fait de la personne humaine un sujet indépassable, se perd dans les profondeurs de l’oubli. Il fait place à un utilitariste froid et calculateur, pour lequel la personne est une variable d’ajustement à des projets à courte vue, au matérialisme brutal, un objet de marchandage, voire une marchandise. Les écoles prestigieuses enseignent des méthodes pour appliquer dans le concret l’art de manager dans cette absence totale de l’humain à lui-même. Certains consultants, certains coachs, mettent le peu qu’ils ont retenu de l’apport de l’humanisme, pour en dévoyer la portée et le sens. Ils jouent alors les éminences grises payées à prix d’or pour souffler les « recettes » qui permettront à quelques uns de flouer le plus grand nombre. A grand renfort d’effet informatique sur écran high-tech zébré de schémas complexes aussi infondés les uns que les autres, ils donnent des clefs pour dominer et manipuler. Les petits, les sans-défense, les plus vulnérables en font toujours les frais, en premier. A terme, nous tous.
Marie-Christine Bernard
20 septembre 2009