Pas de »mais »

Les réserves exprimées par certains autour de la liberté d’expression – les fameux « Oui, mais… » – me dérangent.

Sauf incitations à la haine et à la violence, qui heureusement tombent déjà sous le coup de la loi, quelles pourraient être en effet les limites à mettre à la liberté d’expression, et au nom de qui et de quoi ? Soit on s’accorde le droit de se moquer de toutes les religions et de ce qu’elles sacralisent, soit on s’interdit de se moquer d’aucune… Mais où s’arrêtent les limites d’une religion ? Et qui en décidera ? Aucune d’entre elles n’est séparable d’un projet politique. Notre laïcité est issue d’un christianisme affranchi de ses propres institutions.

Moi non plus je n’aime pas qu’on se moque et qu’on caricature ce qui m’est cher : la personne du Christ, son message, les figures de la foi chrétienne. Mais je tiens à ce que ça reste possible. Quand on se moque d’une religion et de ce qu’elle porte, c’est souvent parce que certains de ses représentants et de ses propos s’y prêtent, à tort ou à raison, et c’est bien là le côté décapant de l’humour. Pour le reste, c’est le signe que les rieurs n’ont pas compris et « ne savent pas ce qu’ils font ».
Ma foi est assez solide pour ne pas être déstabilisée par un humour corrosif et des propos de mauvaise foi, c’est le cas de le dire.
Mais elle risque de ne plus pouvoir s’exprimer au grand jour si l’on restreint le champ de la liberté.

Alors certes, je n’aime pas la ligne éditoriale de Charlie, mais je veux continuer à avoir le droit de ne pas le lire.
C’est pourquoi je tiens à ce qu’il puisse continuer sa route.

Marie-Christine Bernard
Janvier 2015