Bulles
La vie sociale devient un bain savonneux avec, dans chaque bulle, quelqu’un. L’eau n’est pas toujours chaude, ni toujours très propre. Mais le savon est bon marché et ses bulles de plus en plus faciles à faire, et aux parois solides. Jacques Brel ne parlait-il pas de « ces métros remplis de noyés » ? Mais non grand Jacques, nous avons appris à nous tenir dans le bain ! Grâce à ces petits outils si performants, nous voilà bien isolés entre nos écouteurs, les yeux captivés par nos écrans multiples, la tête ailleurs, enfin ce qu’il en reste, toujours loin des pieds, l’esprit occupé, le cœur préoccupé, coupé de l’alentours. Tout pour oublier que l’autre est proche, prochain bien concret, non choisi d’emblée, donné en fait, juste pour un bout de chemin d’humanité. Le réel est surprenant, le présent tangible plein de trésors insoupçonnés. Il suffit d’accepter de s’y tenir, et d’apprendre à en dépasser les apparences trompeuses et si souvent éprouvée comme agressives, ou décevantes, au premier abord, au premier abord seulement. Car tout peut en surgir en nous apportant l’air qui nous convient : l’air humain. Alors, fuir le réel est-il donc le dernier mot d’ordre auquel il faudrait se soumettre ? Mais qui ne voit pas que cela revient à se biffer soi-même de l’existence ? C’est comme un sabordage…
Marie-Christine Bernard
février-mars 2011